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L'incredibeul Dr Ffolkes
20 juin 2007

Dans la Marine un jour...

... dans la Marine toujours, selon l'adage.

Bon, je n'ai pas grand'chose à raconter en ce moment, alors je dépoussière de vieilles histoires, que mon récent séjour breton a remontées à la surface.
Alors je me souviens, oui, je me souviens...

Un jour, il y a fort fort longtemps, j'ai fichu les pieds dans un CIO. Involontairement, c'est grâce à eux que ma vie a changé. Trèèèèès involontairement.

Un CIO (ndr : Centre d'Information et d'Orientation), c'est un bureau poussiéreux où s'entassent des revues périmées expliquant par A+B que le métier d'agent de police est passionnant, bien que réservé à des individus de plus de 170 cm (ET là, moi je crie au racisme ! Même si, en même temps, je m'en fous un peu...). On y est accueilli par des gens très très gentils, souvent un peu vieux vieux, mais bon, on se dit que eux, au moins, c'est pas comme les parents, ils ont de l'EXPERIENCE. Et en plus, certains sont à moitié psy, alors...

Alors, un beau jour, excédé par la litanie des cours et des examens, qu'on soit lycéen acnéïque (ta mère) ou étudiant (poil aux dents - merci Renaud) alcoolo-glandouilleur, on pousse tous, fatalement, la porte branlante d'un CIO.

J'étais l'un de ces facqueux alcoolo-glandouilleurs et, après trois ans de bons et loyaux services j'estimais que j'avais gagné le droit de pousser ladite porte et d'entrer enfin dans le monde réel de la vie active (Parce qu'avant, c'est bien connu, t'en branle pas une...). Sauf que la vie active, je ne savais pas par quel bout l'attaquer. D'où le CIO. J'ai fouillé, farfouillé, compulsé, consulté, dérangé, empilé, noté, raturé, photocopié... et, au final, de guerre lasse, je me suis résigné à demander l'aide d'une conseillère centenaire (elle, elle devait en savoir plein plein des bons trucs). Elle m'a gentiment ramené à ce que j'avais déjà fouillé, farfouillé, compulsé, consulté, dérangé, empilé, noté, raturé, photocopié. Stupeur. Mêlée à une certaine incrédulité. J'ai bredouillé que j'avais déjà fait le tour, et plusieurs fois, et que je n'avais rien trouvé. Elle rétorqua que j'avais mal cherché. Logique. J'ai donc de nouveau fouillé, farfouillé, compulsé, consulté, dérangé, empilé, noté, raturé, photocopié. Sans plus de résultat.

Je m'en ouvre à l'hôtesse caduque. Qui m'assène, péremptoire : "Alors, c'est qu'il n'y a rien !"

RIEN.

Le vide absolu, le néant total, l'inanité abyssale.

Trois ans de fac... pour ça ?

J'ai failli atomiser la con-seillère, mais je me suis retenu, rapport à son grand âge. Et je suis ressorti du lieu maudit, le coeur vide, l'esprit embrumé, le désespoiromètre au beau fixe.

Dans la rue, pas loin, mes yeux se sont posés par hasard sur une enseigne : "Marine nationale". Mon coeur a fait un bon dans ma vaste poitrine, mon sang a recommencé à circuler, mes racines celtes avaient soif à nouveau. J'y suis entré comme un diable sortant de sa boîte, et tombais nez à nez avec un sergent recruteur (Je n'appris que plus tard qu'on appelait ça, fort justement, un "premier maître") moustachu et fort en gueule. Il me dévisagea avec le regard d'un homme qui sait jauger les schtroumpfs dans mon genre au premier coup d'oeil :

"Qu'est-ce qui veut, le jeune homme ?
- Y veut s'engager.
- Ah ? Et il a quoi, comme formation ?
- Une licence.
- IV ? (Mouarf, ouarf, ouarf !)
- Non, une licence d'Histoire.
- ...
- Euh, ben si, c'est vrai.
- Et ben, c'est pas gagné."

Certes non. On a parlé longtemps. De mes motivations, des possibilités, des concours, de son parcours... Des hommes comme lui, j'allais en rencontrer (plein) d'autres : francs, massifs, fiers... et généreux. Celui-là aurait pu couper court, me prendre par la peau du derrière et me jeter dehors comme un alcoolique de saloon. Il ne l'a pas fait. Il m'a dit de prendre du temps, de réfléchir, de "tester" le milieu en faisant une préparation militaire marine, je finirais bien par prendre ma décision ensuite, en connaissance de cause.

J'ai rempli un dossier. Le premier. Quelques temps plus tard, je touchais mon premier pompon rouge.
J'ai quand même fini cette p*** de fac, je ne sais plus pourquoi, par facilité ou pour faire plaisir aux parents peut-être. Deux ans plus tard, donc, je débarquais par le train de nuit à Lorient. Au petit matin, habillé en pingouin, beau comme à la parade malgré ma nuit dans le train à bidasses, j'atteignais la rue de la Cale Ory (Tout jeu de mots sur le nom de cette rue serait malvenu, car un peu lourd). Au loin se profilaient les plus belles années de ma vie.

Le virus de la mer, des escales aux pubs avec les copains (notamment ceux du bagad), de la vie "à bord", des promenades romantiques sur la plage en hiver... ce virus m'a vite contaminé. Il est toujours là, même si, un jour, par amour et par naïveté, j'ai posé sac à terre. Ce jour-là je m'en souviens comme d'une blessure ; je n'ai pas pu retenir mes larmes en passant l'aubette. Il y a des décisions qu'on regrette toute une vie.

Je me souviens vaguement d'avoir été militaire. Mais j'ai été, je suis et je resterai un marin.

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Commentaires
A
On en apprend des choses...<br /> Entre la marine et le secourisme... Je reste sans voix. :-)<br /> Sans oublier "Comment combattre l'herpes" et "L'éloge de la fesse". Je vois que tu es doublé d'un esthète ! :)))
D
Aoiffe> Une fessée et au lit, ouais ! Vilaine fille !<br /> Izza> Si je te disais qu'à part pour l'exercice de tir annuel (en stand et sur cible !)et quelques gardes d'honneur, je n'ai quasiment pas touché un fusil (ça tombe bien, j'ai horreur des armes à feu). Ce fut surtout la mer, les grands horizons, les bateaux... et les avions (j'étais dans l'aéronavale !).<br /> Ma vision des choses est un peu différente : je ne suis pas va-t-en-guerre et ne prise guère la violence. Ce que j'ai appris à l'armée, comme dans les arts martiaux d'ailleurs, c'est à défendre les gens que j'aime. C'est peut-être pour cela qu'on appelle ce ministère "Ministère de la Défense"...
I
Quand j'avais 17 ans, je voulais m'engager moi aussi dans la Marine Nationale. M'étant ouverte de mon projet à mon paternel,(ce que j'évite soigneusement de faire depuis !) j'ai eu pour réponse "Mais tu vas pas bosser pour les troufions ! Une fille en plus ! J'ai pas fait Mai 68 pour retrouver ma fille à l'Armée!".<br /> Tu n'as pas tort paternel. Je suis profondément pacifiste, il m'aurait déplu de bosser "pour les troufions". sauf qu'avant de t'en parler, je n'avais pas fait le rapprochement...tout ce que je voyais de ce métier, c'était la mer, les rands horizons, et les bateaux...Je te comprend camarade !
A
Le CIO, la joie des conseillers d'orientation ! La profession qu'on choisit parce que soi-même on n'a jamais réussi à s'orienter. Finalement, tu as bien fait de choisir marin : au moins tu avais une boussole !<br /> <br /> En tous cas c'était une chouette histoire, que celle que tu nous as racontée là, Dr. Maintenant je vais réclamer des histoires tous les soirs, sinon je refuserai d'aller me coucher. Na.
D
GlouGlou> A ton service, et avec plaisir !<br /> No> La pince ? Sans rire !
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