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L'incredibeul Dr Ffolkes
12 avril 2007

L'homme multiple

C'est fou comme certains actes de la vie - somme toute anodins - peuvent parfois prendre des tournures aventureuses, voire franchement exotiques.

Se faire couper les cheveux, par exemple.

Pour d'obscures raisons, il a fallu que je fasse rafraîchir ce qui, d'ordinaire, serait plutôt qualifié d'abondante crinière. Jusque-là, rien d'extraordinaire. Pas de quoi s'en faire (des cheveux). La seule vraie prise de risque réside dans le choix du praticien. En général (Patton). Mais en Alsace, il peut y avoir quelques difficultés complémentaires, notamment si l'impérieux besoin se situe à Pâques parce qu'ici le vendredi saint est férié (poil aux cheveux). Et trouver un coupe-tifs qui ne fassent pas le pont, c'est à s'arracher les cheveux. Donc, en principe, peau de balle avant le mardi. Sauf quand on a la chance d'avoir un Turc en bas de chez soi, et que le brave décide d'ouvrir quand même le samedi.

Ne nous y trompons pas : si je l'appelle affectueusement "le Turc", eh ben... c'est parce qu'il est turc. Et il est plusieurs aussi. Mais appeler quelqu'un "le Plusieurs", ça le fait nettement moins. Donc, je garde "le Turc".

Mon Turc n'est pas mon Turc. Ouahouuuuu, quand j'écris ça, j'ai l'impression de faire du Gibran (qui, lui, était libanais, donc ça n'a rien à voir). Grisant. Non mais sérieusement, mon Turc serait plutôt "mes Turcs". Parce qu'en trois visites et plusieurs passages devant la boutique, je n'ai jamais vu le même homme de l'art derrière la paire de ciseaux. Je précise bien "homme de l'art", parce que c'est aussi un élément incontournable de l'aventure : bien que le salon soit - selon la devanture - mixte, on n'y voit jamais de femme. Pas de "Brigitte", pas de "Madame Chapuis", pas de bigoudis, pas de cheveux couleur bleu-acier. Que des mâles. Et que des bruns. C'est sans doute pour cela que je m'y sens si à mon aise. J'ai trouvé une confrérie du cheveu brun, épais, méditerranéen. Et comme, parfois, on a droit au verre de thé en attendant, ça fait très club anglais. On est entre gentlemen capillaires.

Le seul ennui, c'est la barrière de la langue. Je parle très mal le turc (ou alors sous la torture). Et mon Turc parle très mal le français. D'où le côté exotique. Le comble de l'aventure, c'est quand il faut expliquer la coupe dont on rêve avec force gestes et quelques mots simples : "court", "très court", "pas trop court", "dégradé" (mais celui-là n'est déjà plus un mot simple)... Le tout empêtré que l'on est dans une nappe de table reconvertie en drap de coiffure. Peu de mots, donc. C'est bien. Au moins peut-il parfaitement se concentrer sur son labeur, qu'il effectue d'ailleurs avec une rapidité surprenante. Mon mutique est le Lucky Luke du ciseau, le Bip Bip de la tondeuse, le Vincent Perrot du coupe-chou. Bref, une épée.

Bien sûr, l'efficacité a un prix et dans cet univers masculin, il n'y a pas de place pour les douillets, les chochottes ou ce que les Mosellans appellent les "nahreux". Pour faire comprendre que l'on doit baisser la tête, mon Turc donne une petite tape sur l'arrière du crâne. Convaincante, la tape. Mais tout compte fait, cela a du bon d'avoir le visage dans les genoux, ça vous évite d'être un peu trop regardant. Sur l'hygiène, par exemple, quand il s'essuie d'abord le visage et la chemise avec le blaireau avant d'ôter les cheveux morts gisant sur votre figure. Ou bien encore lorsqu'il désinfecte la lame de son rasoir à l'eau de Cologne bon marché qui a - outre la désagréable conséquence de brûler quelque peu la nuque - l'inconvénient de se marier assez mal avec mon Hugo Boss préféré. Puis, s'il estime que quelques poils disgrâcieux déshonorent la face externe de vos oreilles, il les fusille au briquet, selon cette pittoresque méthode qui fait la réputation d'excellence des barbiers turcs. Là aussi, le dépaysement est total. Je revois avec nostalgie les salons exigus des ruelles d'Istanbul, où il est de bon ton de se faire - au moins une fois - raser la couenne.

C'est pour ça que je persiste à aller chez mon Turc ( pour ça, et pour le prix aussi, parce qu'il est franchement pas cher). Je suis sûr d'être entre de bonnes mains, même si ce ne sont jamais les mêmes. Il est fort, mon Turc.

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Commentaires
D
Ah, d'acccord...
I
Chuuuuuuuut !! je suis là inccognito...
D
Ah, ah, ah ! Bienvenue... "Iris".<br /> (Ma yé té reconnou !)<br /> (Et merci)
I
Ben moi, dans cette même ville, j'avais une coiffeuse espagnole. Elle jouait des ciseaux comme des catagnettes, sur un air endiablé de Flamenco, avec sa robe arc-en-ciel aux mille froufrous, elle coiffait que les brunes, et elle aimait bien me faire des petits accroches coeurs au niveau des oreilles , qu'elle faisait tenir avec une cire à l'odeur exquise...ça fait des années que je tente de retrouver cette cire coiffante, impossible!!! je finis par croire qu'elle devait la fabriquer elle-même dans on arrière-boutique...Mais bon, y a pas de quoi se prendre le tête (de turc)...
A
Voilà qui s'appelle se faire un brain de toilette à la turque...
L'incredibeul Dr Ffolkes
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